Bienvenue sur ce premier numéro de ma toute nouvelle newsletter dédiée au deuil périnatal et à la PMA (et aux parcours accidentés de la maternité, ne soyons pas snobs!).
Cette newsletter sortira, dans un premier temps, un lundi sur deux. Je fais une exception puisque nous sommes en pleine période de vacances scolaires, et que, Zone C oblige, je déconnecterai la semaine prochaine.
Au menu de ce premier numéro:
Introduction: la place particulière des rituels dans le deuil périnatal.
Quels rituels mettre en place?
Mes rituels privés à moi.
Focus sur l’évènement Une fleur, Une vie.
Focus sur le “Mizuko Kuyo”.
Pour en savoir plus sur les rituels
Bonne lecture à tous.tes, et n’hésitez pas à partager autour de vous si cette newsletter vous a plu! :)
La place particulière des rituels dans le deuil périnatal
L'événement Une fleur Une vie, qui se tiendra samedi 6 mai à la mairie du 15ème arrondissement de Paris, m'a amenée à me poser la question des rituels - et quel meilleur sujet pour inaugurer cette newsletter sur le deuil périnatal?
Indispensables pour certains, inutiles pour d'autres, la question des rituels demeure pourtant fondamentale dans notre deuil si singulier. C’est un sujet qui m’interroge aussi beaucoup, moi qui n’ai pas ressenti le besoin, lors de mes deuils, d’instaurer de rituels ou de pratiques particulières. Tout comme je n’avais pas souhaité organiser d’obsèques, je n’ai rien organisé de particulier pour honorer Maya et Alice - du moins, c’est ce que je pensais, et on en reparle un peu plus loin dans le texte.
Vous le savez, lorsqu'un bébé décède in utero (ou s’il nait vivant avant 22 sa), les obsèques sont une possibilité, mais pas une obligation. Sonnés par la mort de leur bébé, les parents n'ont très souvent pas le temps de se demander ce qu'ils comptent faire, ni comment le faire, et croulent sous les injonctions de l’entourage (“vous allez vous faire du mal, laissez l'hôpital s'en charger”; “vous ne devriez pas vous rendre trop souvent sur sa tombe, il faut aller de l’avant”). Difficile de s’y retrouver et d’y voir clair au milieu de cet amas de conseils certes bienveillants, mais pas toujours sollicités.
Pourtant, quand on perd sa grand-mère, l’affaire est plutôt entendue: on se rend au cimetière librement, on prononce son prénom lors des déjeuners familiaux, on conserve sa photo dans nos téléphones, ou encadrée à la vue de tous dans le salon familial, sans peur de se faire reprocher son chagrin. Les rituels instaurés dans le cadre d’un deuil sont généralement collectifs, partagés - et je crois que c’est sans doute la grande singularité du deuil périnatal: nos rituels sont, lorsque l’on choisit d’en mettre en place, le plus souvent cachés aux yeux des autres. Pas par honte, mais par peur du jugement. Parce qu’il y aura jugement.
Finalement, il y'a, dans cette question des rituels et du deuil périnatal, une question sous-jacente: sommes-nous réellement libres de mettre en place les rituels qui nous feraient du bien? Question intrinsèquement lié à la problématique du deuil périnatal: si ce n'était pas si tabou, pourrions-nous organiser nos rituels collectifs et privés plus librement?
Il me semble assez évident que oui. Heureusement, nous pouvons aussi organiser nos propres rituels en privé.
Quels rituels mettre en place?
Ce que j'aime avec les rituels, c'est 1. qu'ils ne sont pas nécessairement codifiés, ni collectifs (à chacun de s'approprier- ou d’inventer! - ce qui lui fera du bien) et 2. ils n'ont aucune valeur obligatoire. A partir de ce constat, les possibilités sont quasi infinies.
Il y'a bien évidemment les rituels collectifs - les messes de commémoration, les cérémonies funéraires, les anniversaires - mais cela nécessite de pouvoir bénéficier d’un minimum de soutien de la part de ses proches.
Et puis il y'a les rituels spontanés, officieux ou privés - et c’est à eux que nous allons nous intéresser!
Je vous ai interrogé.e.s en story sur Instagram à ce sujet, et voici ce qui en est ressorti:
Sur un peu plus de 200 répondants, 45% m’ont répondu avoir créé un rituel pour honorer la mémoire de leur bébé.
A la question “quels sont vos rituels” les réponses sont aussi nombreuses que personnelles:
Allumer une bougie (“allumer une bougie tous les mois à la date anniversaire”; “une bougie sur ma table de chevet que j’allume tous les 12 du mois à 21h12”);
Le lancer de lanternes (“chaque année à Noel”);
Le lancer de ballons (“chaque 6 du mois”)
Ne pas travailler le jour anniversaire du décès;
Conserver sa photo posée sur un meuble (“tous les matins, je dis bonjour à ma puce (à sa photo posée sur un meuble dans mon living room”);
Lui écrire des lettres (“écrire sur un papier ce que j’avais sur le coeur et le brûler”);
Dormir avec son doudou;
Porter un bijou en hommage (“mettre un collier avec son prénom et son empreinte”);
Cuisiner un gâteau le jour de son anniversaire (“faire un gâteau au chocolat à la date anniversaire de sa mortinaissance);
Acheter des fleurs aux dates importantes (“tous les 5 et 15 du mois pour mes deux étoiles”)
Lui parler ou dire son prénom à voix haute quand on est seul.e (“dire le prénom de ma fille à voix haute sur un banc quand je fais ma promenade”; “je lui dis bonjour et bonne nuit tous les jours”);
Conserver un objet en souvenir en permanence sur soi (“partir avec un petit objet en lien avec elle en vacances”)
Se rendre seul.e au cimetière (“tous les matins je dépose mes filles à l’école et je vais dire bonjour à mon bébé”);
Allumer un cierge à l’église;
Planter un arbre ou des pousses de plantes dans son jardin.
La liste est longue, et ce qui m’a touchée en vous lisant, c’est de voir à quel point ces rituels étaient ancrés dans votre quotidien et en lien avec le vécu de votre grossesse (“elle bougeait toujours quand je mangeais de la glace au chocolat, alors j’en mange à chaque date anniversaire”).
Mes rituels à moi
Je ne m'en suis jamais cachée, les commémorations (en particulier lorsqu'elles sont collectives) ne sont pas une zone de confort (ni de réconfort) pour moi. Je me sens souvent un peu gauche, un peu perdue, quand il est question d'en mettre en place. Cela ne signifie pourtant pas que j'oublie Maya et Alice, ou que leur souvenir m'est égal.
Alors je me suis demandé, en rédigeant cette newsletter, quels étaient mes rituels à moi, mes rituels cachés; ceux que je pratique automatiquement, sans y penser, et qui me rapprochent de mes bébés décédés. Il s’avère que la liste est bien plus longue que ce que je n’aurais pensé!
Je prie tous les soirs, même si cela demeure très personnel, très silencieux;
J'ai aussi longtemps conservé un bracelet sur lequel leurs prénoms étaient inscrits, acheté chez Merci Maman (hélas, je l'ai égaré lors de notre dernier déménagement).
Je conserve leurs bracelets de naissance en sécurité à la maison, je ne ressens en revanche presque jamais le besoin de les voir. Par contre, les sortir de leur cachette est presque un cérémonial en soi: délicatement, par crainte de les voir s’abimer définitivement.
Pendant longtemps, j'ai ressorti leurs dossiers régulièrement - une façon sans doute de tenter de comprendre, et de "valider" par des éléments matériels leur très brève existence sur terre. Et pour moi, cette validation passait par des comptes rendus médicaux (je suis quelqu'un d'immensément pragmatique, y compris dans le deuil - on ne se refait pas).
Ce que j'ai surtout envie de vous dire, au terme de cette première newsletter, c'est que si vous ne ressentez pas le besoin de mettre en place un rituel précis, cela n'est absolument pas grave, et cela ne signifie rien sur l'attachement que vous portez à votre bébé. Ne pas avoir de rituels officiels proclamés, ne pas avoir organisé de cérémonie ne m'a pas empêché de créer à nos étoiles et d'écrire sur le deuil périnatal depuis 9 ans.
Les rituels sont une liberté qui nous est accordée dans notre deuil - parfois certes conditionnée au regard de l'autre - mais pas une obligation. Le poids du regard des autres dans le deuil périnatal est déjà suffisamment lourd à porter comme ça pour ne pas s'imposer en plus des contraintes qui ne nous correspondent pas.
Une fleur une vie
Le prochain rendez-vous physique de cette édition - qui ne s’est plus tenue en présentiel depuis le Covid) aura lieu à la mairie du 15ème arrondissement le 6 mai 2023 de 10h à 18h. L’événement est organisé par plusieurs associations depuis 2013 et rassemble les parents endeuillés d’un bébé autour de plusieurs ateliers artistiques et de la création d’un immense bouquet de fleurs - un joli rituel collectif où vous ne craindrez pas le jugement des autres! Cette année, il y aura notamment la projection de “Et je choisis de vivre” à 11h suivie d’une conférence avec Amande Marty, la maman endeuillée à l’origine de ce film et de la plateforme d’utilité publique “Mieux traverser le deuil”.
Focus sur le Mizuko Kuyo
C'est une abonnée qui a attiré mon attention sur ce rituel dans l'un de mes derniers posts. Le Mizuko Kuyo ("service mémoriel pour les enfants de l'eau") est une cérémonie japonaise bouddhiste pour les parents endeuillés d'un bébé décédé in utero. Les sources diffèrent quant à l'origine de cette cérémonie, mais ce qu'il faut en retenir, c'est qu'elle est organisée pour rendre hommage à Jizo, un Bodhisattva (divinité) de la tradition bouddhiste chargé de transporter les âmes des bébés et enfants décédés dans l'autre monde.
La pratique varie énormément selon les temples (j'ai trouvé beaucoup de variations dans la description du rituel sur internet), mais il est courant que les parents offrent une statue de Jizo, l'habillent d'une cape et d'un chapeau rouge, et y inscrivent le prénom de leur bébé décédé. Une jolie façon d’honorer la mémoire des bébés, et de rendre visible leur existence.
Pour en savoir plus sur les rituels
Quelques lectures utiles si vous souhaitez approfondir ce sujet:
“7 idées de rituels pour vous apprendre à vivre votre deuil périnatal” sur Happy End (il y est question du livre d’Hélène Gérin, dont nous aurons l’occasion de reparler);
Cet article du CHU Sainte-Justine, intitulé “Les rituels” (cet hôpital est toujours à la pointe quand il est question de sensibiliser sur le deuil périnatal);
Une interview de Sophie Helmlinger, fondatrice de l’association L’Enfant sans nom - parents endeuillés, dans le journal La Croix sur l’importance des rituels (interview donnée dans le cadre de la 3ème édition de “Une fleur, une vie”)